InfoAut

Post scriptum politique sur le populisme: contre une fausse alternative

de Raffaele Sciortino

« Ce qui est bien-connu en général, justement parce qu’il est bien-connu, n’est pas connu »

(G.W.F. Hegel)

La victoire de Trump survient quelques mois seulement après le Brexit, symbole s’il en est de la crise de l’unité européenne, de la diffusion de sentiments et de mobilisations anti-élites dans l’Occident. Son élection a conduit la gauche européenne à présenter deux types de réponses, opposées et spéculaires, qui se différencient dans leur manière de décrypter le populisme et de se représenter vis-à-vis de lui, dans une période où c’est bien le « côté obscur » du populisme qui a le vent en poupe.
Ces thèses provisoires ont pour but d’esquisser une caractérisation idéal-typique de ces deux positions de gauche, pour ensuite tenter d’aller au-delà de leur complémentarité antithétique. Il va de soi que d’un côté comme de l’autre, ces courants saisissent certaines bribes de la réalité. Or, ce ne sont justement que des bribes, des aspects particuliers unilatéraux et bien-connus, qui font perdre de vue la totalité en devenir qui demeure encore largement inconnue.

Les anti-populistes, d’abord, liquident la question du populisme en la décrivant comme un phénomène de droite, imputable au racisme et au nationalisme, ce qui en ferait un proche parent du fascisme. Le segment de la « working class » qui s’est positionné ou se positionnera sur le terrain populiste – et qui avait d’ailleurs été hâtivement décrit comme la « vieille » composition de classe –, est aujourd’hui considéré comme étant essentiellement perdu et incurable. Face à cet état de fait, les anti-populistes proposent sans changements majeurs un « more of the same » comme antidote contre les passions tristes qui sont en train d’émerger : lutte pour les droits (sociaux en tant que) humains, anti-racisme moraliste, mondialisation “par le bas”, avec l’individualisme libéral toujours au cœur de ce projet. Celui-ci a tout de même été mis à jour, afin de s’adapter à l’économie de la connaissance qui est censée permettre l’auto-détermination des intelligences créatives, si seulement il était possible de démocratiser les plateformes numériques existantes.
Là encore, on retrouve une approche micro-politique et l’idée d’une prolifération des identités en lutte pour leur propre reconnaissance (mais de la part de qui ?). Cependant, puisque la dimension « macro » ne disparaît pas comme par enchantement, le projet qui s’impose à eux est une sorte de parti pris européiste. Il n’est d’ailleurs pas exclu que leur narration sur « le pays des Libertés menacé par le nouveau fascisme » les conduisent prochainement – malgré un anti-germanisme qui a la peau dure – à récupérer en tant que “critique” la déplaisante Merkel, elle qui a déjà été adoubée par le Nobel-de-la-paix Obama comme la nouvelle anti-Trump (d’autant plus qu’elle a déjà fait ses preuves en tant que « héroïne » des réfugiés). Quoi qu’il en soit, les anti-populistes renouvellent, qu’ils le veuillent ou non, la convergence entre la gauche et la démocratie libérale au nom des Droits Universels (ces droits qu’un capitalisme bien tempéré par rapport au conflit va bien évidemment accorder) propres à l’Occident démocratique (jamais nommé pour ce qu’il est : impérialiste) en dehors duquel il n’y a que des régimes autoritaires. Dans des formes diverses et variées, nous avons ici affaire à l’aile gauche de la bourgeoisie globalisée jadis progressiste, et ce ne sera certainement pas une série de post (postfordisme, postmoderne, postindustriel, postnational etc.) qui viendra changer cela.

D’un autre côté, les pro-populistes anti-système, voient dans ce phénomène la bête noire de cette gauche qui a finit par épouser le néolibéralisme. Satisfaits de la crise définitive de celle-ci, ils espèrent l’ouverture de possibles mobilisations anti-système dont le populisme souverainiste ne serait que la première manifestation. En dépit du risque d’être en retard par rapport au phénomène des populismes de “droite” et avec une tendance à édulcorer un phénomène autrement plus complexe, ils ont de leur côté le fait d’identifier la dynamique de fond qui relie, aujourd’hui, les instances des classes exploitées (au sens large du terme) et les revendications souverainistes et nationales en tant que terrain d’une lutte de classes inédite et rénovée. Pourtant, s’il s’agit là de leur principal mérite, cette position se méprend ensuite complètement sur la nature des sujets sociaux impliqués dans cette dynamique de résistance en faisant de ces derniers, de manière illusoire, un champ de forces extérieur aux procédés qui ont amené la gauche à devenir ce qu’elle est aujourd’hui, c’est-à-dire complètement interne à la logique du capital. On attribue en somme à ces sujets sociaux une nature anti-système déjà donnée qui, pour qu’elle puisse s’exprimer de façon conséquente, aurait juste besoin d’une direction politique adéquate. Le problème lorsqu’on embrasse cette perspective devient donc d’éviter l’inconséquence du populisme, un problème auquel on veut répondre en se positionnant sur la même ligne directrice et en faisant aboutir à ses extrêmes conséquences les revendications de souveraineté nationale, anti-Union européenne, refus de l’euro, etc. Non seulement, donc, on donne une lecture excessivement linéaire des processus en acte, mais on cultive l’illusion de pouvoir jouer un rôle (de “vraie” gauche?) qui, en fin de compte, revient à se mettre à la queue leu-leu derrière les secteurs de la bourgeoise en voie de déclassement qui, en croyant d’agir dans leurs intérêts, finissent par favoriser des agents infiniment plus forts (dans le cas de l’Europe: les États-Unis qui bénéficieraient d’une éventuelle fin de l’euro).

En réalité, pour commencer à formuler une voie de sortie de cette opposition spéculaire, il est nécessaire de ne pas perdre de vue le fait que l’intériorisation de l’impératif capitaliste-néolibéral ne vaut pas seulement pour les représentants politiques de gauche mais, dans la phase de financiarisation ascendante, a également saisi en profondeur ces mêmes sujets sociaux qui, aujourd’hui, dans la crise, cherchent des réponses en dehors de la gauche traditionnelle. Ceci veut dire donc qu’il ne faut pas se figurer l’existence d’un “en dehors” par rapport aux processus de subsomption réelle, de néo-industrialisation des activités, de soumission réelle et symbolique au spectacle intégré sous la forme de capital fictif. Le vieux mouvement ouvrier, lui,  maintenait une identité propre et distincte par rapport à celui-ci, un “dehors” relatif qui a d’abord permis de garder vivante la dialectique luttes ouvrières / développement capitaliste mais a ensuite été phagocyté par le capital précisément à cause des avancées obtenues par la lutte.
Au contraire, c’est à partir de son être complètement “au sein” du capital  que le nouveau prolétariat, incluant des parts importantes de la classe moyenne, se retrouve de plus en plus transformé tantôt en “citoyen” ignoré par le pouvoir (la variante gentille du populisme) tantôt en “superflu” (la variante méchante), désespérément à la recherche de solutions pour ainsi dire néo-réformistes, néo-souverainistes, ambivalentes et bien souvent “sales et méchantes”. Que ces recettes soient présentées en tant que populisme “anti-système” en dit long à quel point les marges de tolérance du capital total sont restreintes par rapport à n’importe quelle déviation des sujets sociaux du chemin tracé, mais il pointe également la crise de sa capacité de médiation sociale et politique.

La racine de cette ambivalence, ouverte à des résultats opposés, se trouve exactement dans la position objective du prolétariat à l’intérieur du système de production contemporain qui a détruit ou subsumé les espaces encore autonomes de reproduction matérielle et symbolique de la vie sociale. Cette intégration, combinée – en Occident – avec une marge relative de richesses précédemment accumulées et même si l’on fait face à un avenir de plus en plus sombre, donne lieu à une situation contradictoire: les solutions populistes pour sortir d’une crise non seulement économique mais également de sens, vont dans la direction d’un “commun” qui, s’il représente déjà une critique de l’individualisme effréné, est pourtant encore complètement interne à ce système de vie et de production (représenté comme la nation). Le populisme est donc porteur d’oppositions dangereuses entre un “nous” et un “vous” qui recoupe des lignes non pas de classe mais d’un autre type. C’est comme si, afin de se réapproprier  sa propre nature communautaire – méta-historique, non pas mythique d’origine essentialiste – le proletariat devait d’abord traverser jusqu’au bout la communauté fictive, et pas pour autant moins réelle, du Capital total-spectaculaire. Cependant dans ce “nous” il peut y avoir un tas de variétés de sujets qui ont en commun une seule condition sociale: mener une existence expropriée et  être une force de travail de facto prolétarisée, rigidement dépendante de ceux qui manœuvrent les leviers du grand capital même lorsqu’elle croit jouir d’une autonomie économique et cognitive. D’autre part, il commence à y avoir également une humanité grandissante qui est pour le système irrémédiablement superflue, même plus une armée de réserve mais un véritable excédent inutilisable même en tant que masse pour exercer une pression sur ceux qui travaillent.

La question politique, à la lumière de tout cela, n’est pas comment éviter le glissement et/ou le manque de conséquence du populisme. Car, en se conjuguant sur l’axe « nous/vous » (même lorsque le « vous » semble au début n’inclure que les élites), il est évident non seulement qu’il demeurera inconséquent dans ses revendications anti-establishment mais également qu’il doit amener, tôt ou tard, à l’affrontement entre les pauvres et fonctionner comme un support aux rivalités grandissantes entre les nations. Pourtant, le point est qu’il n’est pas évident que le populisme portera avec lui, sur cette pente, les sujets sociaux, ou au moins une partie d’entre eux, qui se reconnaissent ou bien transitent en lui en tant qu’instance de résistance. La question utile d’un point de vue effectivement antagoniste au système est toute autre: à quelles conditions le populisme peut être dépassé vers l’avant et désarticulé? Comment séparer, au sein des demandes de pouvoir, pour l’instant bien timides, la dimension “souverainiste” (qui est fond une tentative de récupérer du pouvoir sur sa propre vie) de la dimension nationaliste? Des questions complexes et pourtant inévitables sur lesquelles va se jouer dans un futur, peut-être pas si lointain, la partie: qu’est-ce que les amis du peuple?

A la condition de bien garder en tête ces questions, il est possible et nécessaire de se salir les mains pour tenter de renverser ces dynamiques contradictoires. Les populismes sont au début d’un parcours qui ne sera point linéaire, d’autant plus que la crise globale s’apprête à rentrer dans son deuxième cercle infernal, dans un sens anti-capitaliste, qui est le seul qui nous intéresse. Il est important de comprendre qu’en premier lieu, il ne s’agit pas de mesurer les capacités tactiques des uns et des autres ou bien de fournir aujourd’hui une quelconque “direction alternative”. Il en va, avant tout, de bouleversements économiques et sociaux très profonds, d’une désarticulation du système et des classes en son sein, et surtout de la constitution d’un sujet antagoniste large qui puisse, de par sa lutte, attirer (ou neutraliser) ces strates qui autrement chercheraient à accoster sur des rives bien plus inquiétantes. C’est seulement sur cette base que peut se constituer une intervention politique non-minoritaire qui sache se rapporter aux thèmes et aux formes de la réalité effective et non pas à l’imagination de celle-ci. Une intervention qui demande également une tendance programmatique qui sache se démarquer – sans extrémismes mais sèchement et sur tous les niveaux – du spectre “gauche / droite” tel qu’il est défini par la politique bourgeoise. La ligne ami / ennemi c’est nous qui voulons la tracer et non pas l’assumer de nos ennemis.

30 novembre 2016

Ti è piaciuto questo articolo? Infoaut è un network indipendente che si basa sul lavoro volontario e militante di molte persone. Puoi darci una mano diffondendo i nostri articoli, approfondimenti e reportage ad un pubblico il più vasto possibile e supportarci iscrivendoti al nostro canale telegram, o seguendo le nostre pagine social di facebook, instagram e youtube.

pubblicato il in Approfondimentidi redazioneTag correlati:

Articoli correlati

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Restare a galla insieme in un mondo difficile: Bilancio 2024 delle questioni del lavoro in Cina (Parte 2). 

Proseguiamo la traduzione in lingua italiana di questi preziosi contributi sul contesto delle lotte in Cina nel 2024, tradotti in inglese dal collettivo Chuang.  Consapevoli delle profonde differenze tra il nostro contesto e quello cinese, a sua volta molto difficile da restituire come un intero, alcuni dati e considerazioni che vengono avanzati nel testo sembrano […]

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Rompere la pace dentro territori, fabbrica e università della guerra

Partiamo da qui, da questa inquietudine mai risolta e sempre irriducibile che accompagna la forma di vita militante, l’unica postura da cui tentare di agguantare Kairòs, il tempo delle opportunità che possiamo cogliere solo se ci mettiamo in gioco. 

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Teoria del partito

I prezzi sono più alti. Le estati sono più calde. Il vento è più forte, i salari più bassi, e gli incendi divampano più facilmente.

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Il Segretario di tutte le guerre

a visione che Hegseth porta dentro l’amministrazione Trump è quella di un’America che può tornare «grande» solo riconoscendo la guerra come sua condizione naturale.

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Il significato dell’ascesa cinese

Riprendiamo e traduciamo da marxist.com questa interessante analisi di Kenny Wallace sul significato dell’ascesa cinese.  Buona lettura! Questa nazione, che appena due decenni fa era ancora immersa nel sottosviluppo, è oggi impegnata in una titanica rivalità con gli Stati Uniti, nella quale riesce a mantenere la propria posizione. Nel frattempo, l’imperialismo americano, di gran lunga […]

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Trump all’attacco dell’America Latina con la scusa della “guerra alla droga”

La tensione nei Caraibi ed in America Latina si fa sempre più alta. Alcune note per comprendere quanto sta succedendo.

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Gaza, un futuro di controllo della AI che ci riguarda

Se andiamo a leggere i piani di controllo dell’ordine pubblico prefigurati per la nuova amministrazione di Gaza, vediamo come questi convergano sulla previsione di un modello di sicurezza basato sull’integrazione di Intelligenza Artificiale (IA), robotica avanzata e sorveglianza aerea.

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Un opuscolo su riarmo, genocidio e logistica della guerra

Ripubblichiamo un opuscolo realizzato dall’assemblea cittadina torinese STOP RIARMO.

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Colonialismo accelerato: un piano contro la Palestina

Qual è la logica del piano Trump su Gaza? La costruzione di spazio meticolosamente controllato e depoliticizzato, cioè pacificato, per la circolazione, il consumo e la produzione del capitale.

Immagine di copertina per il post
Approfondimenti

Il bluff dell’ intelligenza artificiale

Perché la bolla speculativa è solo la punta dell’iceberg di un piano per consolidare il potere.

Immagine di copertina per il post
Formazione

Ecco il testo di riforma della governance degli atenei: e non c’è solo il rappresentante del governo nel CdA

Ecco il testo, finora segreto, della riforma della governance delle università partorito dalla commissione presieduta da Galli Della Loggia.

Immagine di copertina per il post
Formazione

HUB DI PACE: il piano coloniale delle università pisane a Gaza

I tre atenei di Pisa – l’Università, la Scuola Normale Superiore e la Scuola superiore Sant’Anna – riuniti con l’arcivescovo nell’aula Magna storica della Sapienza, come un cerbero a quattro teste.

Immagine di copertina per il post
Conflitti Globali

«La cosa più importante è salvare il maggior numero possibile di vite umane e infrastrutture in Ucraina»

Maidan illustra quindi i principali dilemmi dei movimenti e delle mobilitazioni globali: la classe operaia ha una capacità molto limitata di organizzarsi, di articolare gli interessi di classe e di fornire almeno una leadership nazionale.

Immagine di copertina per il post
Crisi Climatica

Confluenza: 22 e 23 novembre insieme nel Mugello per la difesa dell’Appennino

Mentre a livello globale e nazionale l’aggressione estrattivista dei territori si fa sempre maggiore, in Italia continua il percorso di Confluenza, affiancata dalla coalizione TESS.

Immagine di copertina per il post
Divise & Potere

Fogli di via da Ronchi: la rappresaglia per il corteo del 13 settembre scorso

In una fase in cui il movimento per la Palestina ha attenuato la sua mobilitazione e pressione, la macchina burocratico-repressiva continua a funzionare a pieno ritmo.

Immagine di copertina per il post
Conflitti Globali

Tunisia, a Gabes respirare è diventato un atto di resistenza

Abbiamo tradotto questo articolo di inkyfada.media che racconta la vicenda di Gabes, un paese in Tunisia dove da mesi continuano proteste significative a causa di un polo chimico che mette a rischio la salute della popolazione.

Immagine di copertina per il post
Conflitti Globali

Torino: Assemblea Popolare del coordinamento cittadino Torino per Gaza

Pubblichiamo il comunicato di invito all’assemblea popolare di Torino per Gaza.

Immagine di copertina per il post
Divise & Potere

Se toccate uno, toccate tutti! Omar libero (Aggiornamenti)

Ripubblichiamo il comunicato uscito ieri dal Collettivo Gioberti di Torino, Assemblea studentesca e KSA – Torino a seguito dell’arresto in flagranza differita nei confronti di Omar, uno studente del liceo Gioberti che ha partecipato alla manifestazione studentesca di venerdì 14 novembre.