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Notes de débat : pour une méthode de l’autonomie

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Publié/traduit par http://www.platenqmil.com

La « méthode de l’autonomie » discutée dans cet article par le Laboratorio Crash!, un centre social de Bologne, reflète les tensions et contradictions dont les pratiques d’un lieu militant auto-organisé peuvent être porteuses dans leurs rapports aux luttes qu’elles soutiennent, non sans en pointer les limites actuelles.

La valeur accordée aux tactiques parvenues à conjuguer persistance dans le temps et internalité sociale permet aux auteur.trice.s d’articuler à une sorte de bilan des luttes autonomes la formulation d’une stratégie d’ensemble, orientée vers la constitution de « complexes organisationnels », dont le pivot serait l’enquête.

La foret avait cessé. Nous débouchâmes sur un champ labouré, sans chemin. En se surélevant, en regardant de coté, en sifflotant, Sourovtses essayait de flairer la bonne direction, et l’aspirant avec l’air, il se recourba et s’élança.

Isaac Babel, Cavalerie rouge

Une réflexion sur la méthode constitue toujours une opération délicate. On risque en effet de parcourir d’une manière non critique une série de modèles du passé comme s’il s’agissait de vérités anhistoriques, et de cristalliser des formes d’action qui sont au contraire toujours fluides, mobiles et en devenir perpétuel. Une méthode antagoniste est en fait un processus continuel de « réécriture » collective, une accumulation d’expériences, une con-spiration au sens le plus littéral du terme : un respirer ensemble qui se synchronise [1]. Elle décrit des écarts, des bonds en avant, des précipitations. Ce que nous nous proposons avec ce texte n’est donc pas d’indiquer LA méthode d’un agir politique subversif au présent. Nous n’avons ni Vérités ni Certitudes à proposer. Nous essayons plutôt de tracer les coordonnées auxquelles nous sommes confronté.e.s depuis longtemps au sein de la réflexion sur les tactiques et stratégies dans le mouvement et pour le mouvement, au cours des conflits et dans la construction de formes d’organisation autonome.

Nous écrivons donc ces notes à partir d’expériences collectives de militance antagoniste expérimentées par de nombreux.ses camarades qui sont parvenu.e.s, par-delà les fluctuations des mouvements sociaux, à sédimenter la continuité d’une pratique, d’un point de vue et d’un projet d’autonomie dans nos villes, et cela en connexion avec d’autres expériences au niveau national. Cette série de processus de lutte (qui vont des occupations d’habitation et des centres sociaux aux grèves dans la logistique, de la lutte No Tav à celles dans le monde de la formation) nous a mis.es en relation avec des compositions sociales résolument hétérogènes et nous a fait agir dans des contextes urbains extrêmement différenciés. Et c’est justement à partir de cette multiplicité que nous maintenons la possibilité d’identifier les invariances, les traits de méthode et les lignes de conduite que nous essayons de mettre en avant dans les pages suivantes.

Partons d’un présupposé. Une des conditio sine qua non et un des enjeux de l’hypothèse antagoniste se mesure 1) sur la présence politique dans les territoires physiques et sociaux ; sur la capacité à développer 2) anticipation, 3) internalité [2], 4) persistance, 5) à instituer des connexions et 6) à souder des complexes organisationnels… en testant continuellement ces points dans les termes des 7) subjectivités. Essayons de reprendre un par un ces points.

Un des instruments que nous retenons comme crucial pour la constitution d’une praxis militante autonome est celui qui lui fournit sa méthode, c’est l’enquête. Avec ce terme, dans un premier temps, nous entendons un travail politique bi-frontal. Il s’agit en effet d’une part de polir des lentilles à même de lire les contradictions qui se présentent sans cesse à l’intérieur des modifications du rapport du capital, que ce soit à l’intérieur de la « production », de la « reproduction », des politiques publiques ou autres. Enquêter donc sur l’émergence de ces contradictions fournit autant de signaux qu’il existe de possibles champs de conflits susceptibles de s’ouvrir. Lire ces éléments est un point crucial pour parier sur les champs d’intervention politique où il serait possible d’investir des énergies politiques pour le développement de parcours de rupture. Une réforme universitaire en discussion peut signaler un terrain d’intervention ; les coups portés à un secteur du welfare peuvent en représenter un autre ; un secteur du travail particulièrement exploité un autre encore, et même la fermeture d’un jardin en banlieue peut devenir une source de subjectivation antagoniste, un terrain de lutte. Tous les lieux ambivalents sur lesquels il est possible de greffer une praxis dans et contre le rapport du capital.

L’autre aspect qui caractérise l’enquête s’appuie plutôt sur le versant de la subjectivité. On tend ici à enquêter, plus que sur les dynamiques « systémiques », sur le monde des besoins et des désirs de notre classe-partie. Il s’agit de capter et d’interpréter politiquement quelles pulsions se manifestent au sein de sa base, le plus souvent imperceptibles au premier regard. Quelles tensions inexprimées prennent forme dans le social, quels besoins ou désirs niés peuvent produire des formes de refus de l’existant, quels changements « culturels » peuvent contenir un potentiel de conflit, quelles dimensions anthropologiques sont en mutation et où est-il possible d’intervenir sur leur tendance pour les retourner en un sens antagoniste. Voilà donc qu’un besoin diffus d’accès à un certain type de consommation peut se constituer en tant que lutte pour l’auto-réduction d’un bien. Ou, autre exemple, une insatisfaction quant aux conditions de logement peut se transformer en mouvement d’occupation… Il s’agit là de deux terrains d’enquête qui servent à élaborer des anticipations, c’est-à-dire des hypothèses d’intervention politique et organisationnelle (2).

Il existe par contre des contextes dans lesquels des formes de conflictualité sociale plus ou moins explicites sont déjà présentes en temps normal, là où « historiquement » des mouvements tendent avec une certaine fréquence à émerger (nous pensons par exemple aux lycées et aux universités). Il s’agit de contextes géographiques et/ou sociaux où une militance antagoniste devrait avoir tendance à construire une présence constante et de l’internalité (3). C’est-à-dire : faire en sorte que les camarades soient reconnu.e.s en tant qu’acteur.trice.s au service de la défense des éventuels conflits existants pour qu’ils s’intensifient et se généralisent, et en définitive établir une hypothèse explicite de rupture et d’organisation vers l’affrontement social pour instituer des niveaux explicites de contre-pouvoir et de manœuvre politique. Bien évidemment, l’internalité aux luttes et aux contextes sociaux n’est jamais donnée, elle est le fruit d’une mise en discussion incessante, d’une redéfinition continuelle qui peut exposer les dimensions militantes davantage dans certaines phases qu’à d’autres moments. On a toujours tendance à osciller entre deux extrêmes : le risque d’un sentiment d’extranéité de la personne militante politique par rapport à la composition sociale de référence, et son aplatissement sur la composition sociale où elle est engagée, qui l’amène à annuler sa capacité d’action. La clé est de comprendre comment la personne militante politique est à même d’être en harmonie (1) avec la composition sociale de référence (qu’il s’agisse des étudiant.e.s, des travailleur.euse.s, des habitant.e.s des quartiers…), d’en interpréter les pulsions, de les orienter vers un accroissement de puissance et une rupture. En d’autres termes, c’est le rapport entre la production de conflit social et sa légitimité qui est en jeu.

Ces deux niveaux d’agir politique sont évidemment entrelacés. L’internalité aux luttes et la présence politique dans les contextes territoriaux vont toujours de pair avec l’enquête, comme les hypothèses développées par l’enquête se mesurent toujours sur le degré effectif des luttes et de la présence politique qu’elle est à même d’orienter ou de produire. A partir de ces deux niveaux, entrelacés donc, se pose le problème de la persistance (4). Voici un point décisif et souvent sous-estimé. Trop souvent en effet il y a tendance à vivre les luttes ou les hypothèses d’intervention comme si elles étaient des vagues éphémères ou des « expérimentations in vitro ». On développe des hypothèses d’intervention pour les abandonner rapidement, on poursuit des conflits comme si l’on était des touristes de la lutte. Donnons quelques exemples. Nous voyons très souvent des camarades tenter d’occuper un logement, pour abandonner après la première expulsion. Ou aller à un piquet une semaine parce qu’on en parle dans la presse, et la semaine suivante se rendre dans un quartier dans lequel il y a des problèmes avec la police, et encore la semaine d’après participer à un cortège d’étudiants, pour ensuite finir le mois sur une protestation contre la déportation des migrant.e.s. La générosité et la disponibilité à s’investir sont des éléments toujours positifs et à valoriser, mais malheureusement elles ne suffisent pas. En ce sens nous retenons que le plus important est d’évaluer un agir politique sur la durée des interventions et des conflits, sur sa capacité à ne pas émerger pour s’éteindre rapidement, de façon à chercher à comprendre comment ces luttes et ces conflits peuvent s’enraciner (se territorialiser, pourrait-on dire), marquer une tension continuelle, produire des énergies subversives d’une manière pas seulement occasionnelle. Il y a en effet très souvent une sorte de « léninisme vagabond » qui joue à sauter sur les conflits quand ils explosent pour se dissoudre quand leur intensité réduit. En restant de telle manière pris au piège dans la figure du « cycle » de mobilisation qui s’ouvre pour ensuite retourner à la case de départ. Nous retenons par contre qu’il est crucial, d’un côté, de développer des foyers de lutte nombreux et diffus (et cela nécessite patience, constance, ténacité, abnégation) ; de l’autre, élaborer une capacité à savoir allumer la flamme, brûler avec elle, mais aussi entretenir les braises et ne pas les laisser s’éteindre. Tracer, en gros, des lignes obliques plutôt que se reposer sur la circularité, ou se perdre dans les figures politiques de l’horizontalité (une sorte d’aplatissement des luttes troqué contre l’égalité mais qui en réalité revient simplement à l’égalité libérale du marché) ou de la verticalité (l’autonomie du politique).

C’est ici qu’entre en jeu l’élément suivant de cette esquisse de coordonnées, celui de l’institution de connexions (5). Nous nous trouvons en effet aujourd’hui face à une décomposition et une individualisation sociales incessantes (ce n’est évidemment pas le moment de consacrer des analyses plus approfondies à ces tendances macro). Une pulvérisation qui se définit par une multiplicité de lignes (de classe, de genre, de race, générationnelle, au niveau de la géographie urbaine, etc.) et qui tend à éliminer la possibilité d’agrégation, c’est-à-dire la possibilité d’un développement endogène de notre classe-partie. Cette fragmentation démultiplie aussi les fronts possibles de conflictualité. La lutte contre les brutalités policières dans les quartiers populaires et les grèves dans certains secteurs du travail, l’occupation d’une clinique autogérée et d’une salle universitaire, un cortège de lycéen.ne.s, la lutte contre une réforme, la résistance à la police dans une place publique qui s’apprête à être normée… Il s’agit là de quelques exemples de luttes et conflits qui, apparemment, ne peuvent pas communiquer entre eux, qui n’ont rien en commun. Voilà alors que là où l’enquête marche bien, là où l’on arrive à développer présence et internalité, là où l’on arrive à imprimer une durée aux conflits, se pose le problème de comment les mettre en communication, comme faire en sorte qu’ils se renforcent l’un l’autre. Comment faire parler et comment faire lutter ensemble un.e lycéen.ne et un.e ouvrier.ère d’un entrepôt logistique, comment tisser des liens de solidarité entre un.e migrant.e qui squatte et un.e étudiant.e universitaire, comment rassembler dans le même cordon un.e activiste lgbtq avec un.e habitant.e de banlieue sous menace d’expulsion. Voici un des points cruciaux auquel la militance est confrontée en termes de niveaux intermédiaires de notre agir politique. Ils n’existent évidemment pas de solutions préétablies à cet égard, et nous  sommes nous-mêmes les premiers à n’être certes pas arrivé.e.s à « résoudre » de manière satisfaisante ce problème, mais au moins à l’affronter. Pour le dire autrement, nous sommes tout simplement en train de poser l’ancien nœud que l’opéraïsme avait qualifié de « recomposition de classe ».

Afin de pouvoir approcher ce terrain, on se déplace entre la capacité de produire un discours politique et des imaginaires, entre la capacité des camarades à intervenir dans différents contextes sociaux, et ainsi de suite. Mais l’élément crucial, le niveau successif si l’on veut, réside dans la thématique appelée plus haut « complexes organisationnels » (6). Chaque lutte, chaque conflit, développe des formes de protagonisme social « spontané », qui dans un contexte particulier d’opposition définit sa propre identité, sa propre construction de sens, qui amène certains sujets à se mettre en jeu plus que d’autres, et à vouloir donner une continuité à leur propre subjectivation politique. Il s’agit là de l’un des enjeux décisifs pour le développement des conflits, et l’une des tâches des militant.e.s politiques est de grandir ensemble avec ces subjectivités, de les mettre en relation avec des figures analogues dans d’autres contextes sociaux. C’est sur ce passage qu’il est possible de développer et de définir des interconnexions entre conflits qui ne soient pas isolées ou sporadiques. Ces liens peuvent établir des connexions organisationnelles durables, là où, au sein d’un conflit émergent, des figures désirent se mettre en jeu, et là où la personne militante a la capacité de les mettre en relation avec d’autres.

On est donc arrivé.e.s au point concernant les formes d’organisation. A partir de ce que l’on a dit jusqu’ici, on pourrait en effet nous soupçonner d’avoir une vision de la politique antagoniste comme quelque chose de linéaire, comme une accumulation progressive de conflits et de croissance organisationnelle. On aimerait bien que cela soit si simple ! Au sein des variables qui rendent ces processus conflictuels et organisationnels jamais stables ou linéaires, il ne faut pas oublier par exemple l’élément répressif. Quand en effet ce ne sont pas des dynamiques internes aux luttes qui les étouffent (l’obtention d’un résultat ou au contraire une cuisante défaite qui peuvent conduire à la démobilisation, l’incapacité matérielle de soutenir le coût de la lutte, ou autre chose), l’Etat ou les différentes articulations que nos adversaires peuvent assumer, sont toujours prêts à agir pour désarticuler, diviser et étouffer les luttes.

A partir de ces éléments, on arrive donc au dernier des termes que l’on a évoqués au début, celui de la subjectivité (7). La temporalité autonome, comme l’on a dit plus haut, n’est jamais linéaire ou progressive. Les formes d’organisation ne sont jamais établies par avance ou reconductibles à des modèles préétablis. En ce sens, le degré d’efficacité d’un processus de lutte déterminé, la vérification de la force de l’enracinement militant dans des contextes spécifiques, est seulement possible à partir des subjectivités. Dit autrement (l’approfondissement d’une telle notion demanderait bien plus de temps) : en comprenant quels sont les niveaux sédimentés d’expériences, de savoirs, d’instruments d’élaboration et d’intervention, d’identité antagoniste, de positionnement social. Quels niveaux de rupture se sont sédimentés dans les milieux militants et dans les espaces sociaux qui ont pris partie dans – ou ont été touchés par – le conflit. Ce patrimoine peut être complètement balayé de lutte en lutte, en nous obligeant chaque fois à répartir de zéro. Au contraire, si le travail politique a été efficace, il peut se cristalliser en différentes formes,  permettant ainsi d’approcher les nouvelles luttes à venir et de nouveaux terrains de conflit, avec la capacité d’accélérer les temps de production de la subjectivité elle-même, en huilant et raffinant les mécanismes de la communication de manière, etc.

Les procédures, les dynamiques et les dimensions décrites jusqu’ici (d’une manière bien évidemment schématique et parfois simplifiée) composent une machine organisationnelle complexe, un laboratoire de subjectivités, un multiplicateur des conflits, qui désigne seulement un des multiples fronts de l’agir militant. On peut dire que ce que l’on a décrit jusqu’ici définit une possible plateforme de lancement (8) qui se définit par un mouvement de fond continu, parfois capable d’émerger à des niveaux plus en surface. On a – pour le dire autrement – défini certaines pratiques de l’agir militant à moyen terme : la possibilité de construire les luttes sociales, de participer aux conflits existants, de développer présence et enracinement dans les territoires, d’agir sur la potentialité de développement de nouveaux contextes d’affrontement social… et sur la capacité de ces articulations à déterminer des complexes organisationnels qui produisent une subjectivité antagoniste (1+2+3+4+5+6+7). La construction de ces plateformes, comme il est évident à partir de ce que l’on a dit jusqu’ici, ne peut pas les définir comme des « îles » isolées, ni permettre qu’elles développent des alliances ou coalitions entre subjectivités qui revendiquent leur identité comme séparation. Il s’agit plutôt de mécanismes en perpétuelle transformation, qui co-évoluent avec les sujets sociaux, avec la définition des conflits, avec la matérialité des luttes. Ces plateformes antagonistes sont donc pour nous des tentatives de créer des embryions d’autonomie de classe organisée, des lieux complexes et discontinus qui visent, à travers l’enquête et l’internalité aux luttes, à doter d’une durée et d’un profil organisationnel une hétérogénéité – la plus étendue possible – de luttes et de subjectivités sociales dans différents contextes et territoires. Ces plateformes se forment donc dans un processus de co-recherche (9) : dans un devenir commun et dans la constante interconnexion entre sujets militants et compositions sociales, là où la co-recherche est donc pour nous non pas une question de « style » ou un synonyme d’organisation, mais une modalité particulière et une attitude dans la pratique politique.

On parlait de plateformes… de lancement ! On est en effet conscient.e.s que l’accumulation de luttes ne sera jamais suffisante en soi pour atteindre les « grandes fins » que l’on vise en tant que camarades, elle ne sera jamais suffisante à déterminer (en utilisant ce terme avec beaucoup de prudence) des processus révolutionnaires, à tenter à nouveau un assaut « à ce ciel maudit [3] », à matérialiser « le rêve d’une chose [4] ». Ce sont en effet là les comportements de classe, leurs expressions d’autonomie et de rupture, leurs capacités à déterminer l’horizon matériel d’une hypothèse antagoniste, qui comptent. Les formes organisées, les dimensions militantes, sont une partie décisive et indispensable d’un processus révolutionnaire à venir, mais évidemment seules elles ne sont rien. Les camarades peuvent fonctionner comme des membranes, vibrer avec les comportements sociaux. Comme des aimants, agrégeant les mouvements subversifs. Comme des signaux, indiquant la bonne direction pour la rupture. Comme des pieds de biche, ouvrant les portes sur lesquelles le « mouvement réel qui abolit l’état des choses présent » aurait pu s’échouer… mais l’enjeu principal reste celui de l’autonomie de classe (vis-à-vis du rapport capitaliste).

C’est ce que nous qualifions de « politique subversive du border » : les dimensions militantes en tant que segment à même de se positionner aux limites du développement des conflits de classe pour les porter en avant, à même d’approfondir productivement la négation de la classe en tant que telle (dans ce cas également, comme dans beaucoup d’autres passages mentionnés tout à l’heure, le concept de classe mériterait plus d’attention, mais nous espérons néanmoins qu’il soit intelligible dans sa dimension antagoniste vis-à-vis du rapport du capital). Donc la constitution de complexes organisationnels est fonctionnelle là où elle facilite la définition de ce processus de sécession vis-à-vis rapport du capital, elle aide sa structuration et favorise sa définition. Les processus réels toutefois excèdent constitutivement (et par bonheur !) les dimensions militantes. Le rapport entre formes organisationnelles et mouvements de la classe doit toujours être considéré à partir des niveaux d’autonomie et des mouvements que la classe elle-même exprime (10). A partir de cela on évalue les possibilités d’excéder, les potentialités du saut. Quand nous parlons de « plateformes de lancement » la question est donc : de quelle manière le travail organisationnel militant, les persistances organisationnelles, les interconnexions subjectives, (contribuent et) arrivent aux moments où se produisent des « événements » et s’ouvrent des « processus » qui les excèdent. Ou comment les premiers contribuent à canaliser (au moins partiellement) l’apparition de puissances imprévisibles. La séquence insurrectionnelle partie de Tunisie entre 2010 et 2011 et les différentes formes de « Occupy » qui se sont définies partout dans le monde ont été en majorité lues comme des mouvements « horizontaux » et « sans histoire ». Cela est partie d’un mensonge (pas de magie métaphysique dans l’histoire, existent toujours des généalogies souterraines qui montrent comme les apparentes « explosions spontanées » reposent en réalité sur des accumulations subversives qui cherchaient leurs points de déclenchement), d’un problème « à nous ». Considérons ce dernier aspect, pour conclure. Toute la série de problématiques que nous avons esquissée, comme nous le disons, peut conduire à construire des plateformes qui doivent déterminer comment se définir, s’agrandir, se renforcer, et de comment pouvoir fonctionner quand s’ouvrent des processus d’une telle portée, qui nous ont trouvé.e.s, dans la plupart des cas, collectivement démuni.e.s. Ces plateformes peuvent-elles fonctionner comme des tremplins de lancement des mouvements à venir en vue de nouvelles et inédites synchronies autonomes et subversives ? Nous sommes convaincu.e.s que oui, nous cheminons vers ce but et dans cette direction.

Nous le répétons. Les considérations ici esquissées sont une série de notes que nous formulons à partir des luttes que nous avons construites, auxquelless nous avons participé, et que nous entendons construire. Elles ont été écrites avec l’humilité militante de qui sait combien ça coûte d’oser et de se tromper, et avec la passion de qui au quotidien se bat collectivement contre sa propre époque. Avec un œil sur l’immédiat des problèmes qui sont parmi les moindres de l’agir militant et l’autre tourné vers l’infini…

[1] Référence à Radio Alice. Cf. Nanni Balestrini, Primo Moroni, La horde d’or, L’éclat, 2017, pp. 106-07, 511-12, 551-53, 565, 567, 572.

[2] C’est ainsi que nous traduisons « internità », terme utilisé dans le langage militant italien pour définir une attitude contraire à celle de l’« externalité » aux luttes. Cela renvoie au fait d’intervenir en leur sein, non pas comme des sujets extérieurs porteurs d’un savoir spécifique, qui guideraient le processus, mais comme des personnes qui luttent « avec ».

[3] Antonio Negri, I libri del rogo, Derive Approdi, 2006, p. 300.

[4] Lettre de Karl Marx à Arnold Ruge, 1843 : « On verra alors que, depuis longtemps, le monde possède le rêve d’une chose dont il lui suffirait de prendre conscience pour la posséder réellement ».

 

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